mardi 24 mars 2009

La première guerre du Pacifique (1)

Le fait d'avoir vécu quelques années aux Antilles fait que je m'intéresse depuis à l'histoire militaire des Amériques. Depuis un trés vieux reportage de THALASSA mentionnant cette guerre et l'influence qu'elle a encore aujourd'hui sur les relations entre le Pérou, la Bolivie et le Chili j'éprouvais une grande curiosité pour ce conflit.

Je me suis donc lancé dans des recherches il y a trois ans et, depuis, ces fichiers trainaient sur une clef USB. Je me suis dit que ce serait dommage de ne pas en faire profiter d'autres passionnés. Le mal est réparé!


La guerre du pacifique, appelée aussi "Guerre du salpêtre" ou "Guerre des dix cents", fut un conflit armé qui opposa le Chili au Pérou et à la Bolivie entre 1879 et 1884. Cette guerre fit perdre à la Bolivie son département du littoral qui était son unique accès à la mer. Le Pérou quant à lui perdit la province de Tarapaca. Ces deux territoires font, depuis la fin de la guerre, partie du territoire chilien.

ORIGINES DU CONFLIT

Le Chili, décidé à repousser ses frontières du nord attaqua une première fois le Pérou et la Bolivie en 1836-1839 afin d'empêcher la réunion de ces deux pays au sein d'une confédération.
Pendant les années précédant la guerre du Pacifique, le désert d'Acatama avait acquis une grande valeur économique grâce à la découverte de gisements de guano et de salpêtre.
Au milieu des années 1860, la Bolivie et le Chili avaient failli entrer en guerre suite à un désaccord au sujet du tracé de leur frontière commune. Un traité fut signé en 1866, partageant la zone disputée, qui comprenait le désert d'Acatama par une ligne qui suivait le 24e parallèle, juste au sud du port d'Antofagasta. En 1874, les deux pays signèrent un nouvel accord par lequel le Chili reconnaissait la souveraineté de la Bolivie sur les terres situées entre le 24e et le 25e parallèle. En retour, la Bolivie s'engageait à ne pas augmenter les taxes sur les entreprises chiliennes d'exploitation du salpêtre pendant 25 ans. La plupart des dépôts de salpêtre, un ingrédient précieux pour la fabrication d'engrais et d'explosifs étaient exploités par des entreprises chiliennes et européennes, principalement anglaises.
Dans ses ambitions à long terme, le Chili voulait non seulement s'emparer des dépôts de salpêtre mais aussi affaiblir la Bolivie et le Pérou afin d'affirmer sa prééminence stratégique sur la côte Pacifique, poussé en cela par les anglais.
L'occasion d'entrer en guerre lui fut donnée par l'augmentation des taxes sur les exportations de salpêtre de la région. Les entrepreneurs et les mineurs chiliens s'opposèrent à cette augmentation qui provoqua une vive réaction du gouvernement de Santiago. Dans cette crise diplomatique, le Pérou intervint en envoyant un ambassadeur plénipotentiaire à Santiago pour essayer de calmer le jeu, mais, selon la presse de l'époque, il était clair que le Chili avait déjà opté pour la guerre.

Le gouvernement bolivien aggrava le contentieux en décidant de liquider les entreprises chiliennes qui refusaient de payer l'impôt.






LA GUERRE

Les forces en présence:

Au début de la guerre, il était évident qu'avant de lancer une attaque militaire sur un terrain aussi difficile que le désert, il fallait d'abord s'assurer la maîtrise des mers. Les boliviens n'avaient pas de marine militaire. Les péruviens disposaient de quatre frégates blindées, l'Indépendance, le Manco Tapac, l'Atahualpa et le Huascar. Les chiliens avaient les frégates blindées Cochrane et Blanco Encalda. Le décompte des forces terrestres donnait une grande supériorité numérique au Pérou et à la Bolivie mais l'armée chilienne était très bien préparée. Influencée par la France depuis le milieu du XIXe siècle, l'armée chilienne avait été réorganisée à la prussienne suite à la guerre de 1870.

Comme nous l'avons dit, la Bolivie n'avait pas de marine de guerre et son infanterie était encore armée de fusils à système Minié.
Le Pérou n'était pas mieux préparé à un conflit, sa prospérité économique des années 1870 n'avait pas été accompagnée d'une réorganisation de l'armée. Au contraire, le président Manuel Pardo avait réduit de façon drastique les dépenses militaires dans le but de limiter le rôle historique de l’armée dans la vie politique du pays. Son successeur élu, le général Mariano Ignacio Prado (1876-1879) trouva donc ses options militaires limitées lorsqu'il fallut faire face à la menace chilienne.

Les premières phases du conflit:



Le 14 février 1879, les troupes chiliennes débarquèrent au port d'Antofagasta et s'en emparèrent rapidement. Parmi les 6000 habitants, 5000 étaient chiliens, 600 boliviens et 400 de nationalités diverses. Deux jours après, le 16 février, le Chili s'emparait du centre minier de Caracoles. Comme il n'y avait aucune ligne télégraphique en Bolivie, c'est grâce au bateau à vapeur Amazonas, arrivé le soir du 19 février à Tacna au Pérou, que la nouvelle de l'agression chilienne pu être transmise. Le consul bolivien écrivit alors une lettre au président Hilarion Daza qui atteignit La Paz le 25 février.
La guerre fut officiellement déclarée le 01 mars 1879.

La Bolivie fit donc appel au traité de défense mutuel signé avec le Pérou en 1873. Malgré une situation militaire qui n'était guère en sa faveur, le pays honora le traité en déclarant la guerre au Chili.

La phase navale du conflit:


Cet aspect de la guerre a été traité en détail dans le numéro 4 du magazine Champs de bataille. Nous nous limiterons donc à l'essentiel. Les six premiers mois du conflit, d'avril à octobre 1879, furent consacrés à l'établissement d'une supériorité maritime. L'amiral péruvien Miguel Grau parvint, avec sa petite marine, à tenir en échec la puissante flotte chilienne avant d'être finalement bloqué dans le port péruvien d'Iquique. Lors du combat naval qui s'ensuivit, le Huascar, commandé par Miguel Grau arriva à couler le vieux bateau chilien La Esmeralda, défendu par son capitaine Arturo Prat. L'Independencia, le meilleur bateau péruvien se lança alors sur la Covadonga, que son capitaine, Carlos Condell, amena sur des zones peu profondes où le bateau péruvien s'échoua, à Punta Gruesa.
Le résultat de la journée fut en faveur du Chili qui, malgré la perte d'un emblématique bateau en bois, réussit à couler le meilleur cuirassé péruvien.
Le résultat de ce combat eut un retentissement important dans l'opinion publique des deux pays.


Malgré sa nouvelle infériorité navale, le capitaine du Huascar maintint sous pression la flotte chilienne jusqu'au combat d'Angamos, face aux côtes boliviennes, où le Huascar fut finalement pris par les chiliens en octobre 1879. Grau et plusieurs officiers et marin périrent.





Ayant obtenu la supériorité navale, les chiliens pouvaient entamer la phase terrestre de la guerre dont les objectifs immédiats consistaient à capturer la province péruvienne de Tarapaca et ses riches gisements de minerais et de salpêtre.








LA CAMPAGNE DE TARAPACA

Le débarquement à Pisagua:

Après avoir étudié plusieurs endroits possibles, le haut commandement chilien se décida pour le port de Pisagua et sa baie comme étant l'endroit le plus approprié pour faire débarquer des troupes.
Le port était tenu par environ 1300 soldats de l'armée alliée des bataillons boliviens Independencia et Victoria, de la division Villamil, commandés par les colonels Pedro Pablo Vargas et Juan Granier, forts d'environ 900 hommes. A cela s'ajoutaient 400 fantassins et artilleurs péruviens commandés par le colonel Isaac Recabarren.

Le général Villamil avait envoyé le bataillon d'infanterie Aroma à Mejillones et son quartier général, accompagné du bataillon Vengadores à Agua Santa. Les défenseurs de Pisagua ne s'attendaient pas à un débarquement ennemi dans le port et les mesures de sécurité avaient été réduites au minimum. Une visite d'inspection des travaux de fortifications par le géneral Buendia était attendue pour la fin du mois d'octobre.


Entre temps, le 28 octobre, 9500 soldats chiliens embarquaient à Antofagasta dans des navires à destination de Pisagua. L'escadre chilienne se composait de six navires de guerre et de dix navires à vapeur.
Le 1er novembre, le ministre chilien de la guerre, Rafael Sotomayor, réunissait un conseil de guerre à bord de l'Amazona pour convenir d'un plan d'attaque. Il fut convenu d'effectuer un débarquement conjointement à Junin et à Pisagua sachant que l'attaque principale devait se porter sur Pisagua mais sans pour autant négliger Junin.

A six heures du matin, le 2 novembre 1879, les navires arrivèrent en vue du port péruvien et se positionnèrent comme convenu lors du conseil de guerre. A sept heures quinze, le Cochrane ouvrit le feu sur le fort nord, armé seulement d'un canon de 100 livres.


Au même moment, à terre, le général Buendia et le colonel Recabarren étaient en réunion et ils disposèrent leurs troupes pour faire face à la menace qui se profilait. Les soldats qu'ils croisèrent, ce matin du 2 novembre, étaient totalement surpris et ne s'attendaient pas du tout à une attaque. Les artilleurs partirent servir les canons des forts. Les bataillons boliviens stationnés dans le Alto Hospicio reçurent l'ordre de descendre au port pour occuper quelques édifices de la ville et la gare.

Le general Villamil fit aussi venir les bataillons Vengadores et Aroma stationnés respectivement à Agua Santa et à Mejillones.

Lors du combat, un fort répondit aux tirs du Cochrane tandis que l'autre fort était totalement détruit par la première salve de l'escadre chilienne. Celle-ci continua à bombarder le port et le fort, causant beaucoup de dégâts et allumant des incendies.

Aux alentours de dix heures du matin, quand le fort eut cessé de répliquer, les chiliens envoyèrent une première vague de débarquement composée de la 1ere et de la 3e compagnie du bataillon Atacama et de la 1ere compagnie du génie (bataillon Zapadores). Les assaillant eurent de grandes difficultés à avancer en raison du feu nourri des défenseurs. A Playa blanca seuls arrivèrent 450 hommes de la première vague qui se jetèrent à la baionette sur les défenseurs.




Quelques instants plus tard, retardé de quelques minutes, la deuxième vague de débarquement chilienne, composée du reste des bataillons Atacama et Zapadores, d'une compagnie du régiment Buin et de quelques hommes du 2e régiment de ligne débarqua à son tour. Avec cet appui, les assaillants parvinrent à faire retraiter les alliés au delà du Alto Hospicio.

Les hommes des Zapadores et du régiment Atacama rivalisèrent d'ardeur pour gravir la colline. Le sous-lieutenant Rafale Torreblanca du régiment Atacama fut le premier à arriver au sommet et à hisser un drapeau chilien sur le Alto Hospicio en signe de victoire. A cette vue, l'escadre chilienne cessa son bombardement.

Pisagua prise, les troupes qui débarquèrent dans le secteur de Junin ne rencontrèrent que peu de résistance, les quelques défenseurs s'étant retiré à la seule vue de l'escadre. Le 3e régiment de ligne et les bataillons Navales et Valparaiso débarquèrent sans difficultés.

A la fin de cette journée, les troupes chiliennes tenaient les ports de la région de Tarapaca, première tête de pont en territoire péruvien.


Les combats de Pampa Germania et de San Francisco:

Après la prise de Pisagua et de Junin, l'armée chilienne s'enfonça à l'intérieur des terres et s'empara de la ligne de chemin de fer Pisagua-Agua Santa. Elle se dirigea ensuite vers le nord, assurant une ligne de ravitaillement grâce au soutien de la flotte.
Au cours de sa progression l'armée chilienne captura la ville de Dolores.

Le 3 novembre, les troupes alliés se dirigèrent vers la ville de Dolores, ignorant que l'armée chilienne s'y trouvait déjà et courant, de ce fait, le risque d'être isolés. Ils devaient rétablir la situation suite à l'arrivée de l'armée ennemie, laissant seulement à la division Rios en arrière garde.

Une avant garde composée des hussards de Junin et des hussards de Bolivie, sous les ordres du capitaine Sepulveda, fut envoyé pour reconnaître les positions chiliennes. Le 6 novembre, à Pampa Germania, elle rencontra deux escadrons des Cazadores de Chile commandés par Sofanor Parra, le capitaine manuel Barahoma et José F. Vergara.


Les hussards alliés lancèrent une charge tandis que la cavalerie chilienne se préparait au choc. Les deux troupes se rencontrèrent face à face, s'affrontant au sabre au milieu de la pampa de Germania. Le combat fut sanglant, les chiliens parvenant à briser le centre de la formation alliée, obligeant les hussards à fuir. Les hussards de Bolivie partirent vers le sud tandis que ceux de Junin s'enfuyaient vers le nord.
Les Cazadores de Chile, qui étaient de meilleurs cavaliers, se lancèrent à la poursuite de leurs adversaires, les encerclant et les tuant tous y compris le vaillant capitaine Sepulveda.


Le 19 novembre 1879, les alliés firent face au corps expéditionnaire chilien au sommet de la colline de San Francisco. La bataille, qui se déroula sur un front de 3 kilomètres, fut favorable aux chiliens et le 23 novembre, les envahisseurs occupaient le port d'Iquique.

4 commentaires:

moipasfou a dit…

Long à lire mais passionnant.

Nicofig a dit…

Dis, Seb, tu ne veux pas mettre aussi tes articles sur histoire de jouer car vraiment ils constituent des éclairages très intéressants.

Timur a dit…

Effectivement, très très intéressant !

Siaba a dit…

Promis, les prochains articles seront plus courts....en tout cas, je présenterais juste une bataille.

Nicofig, je t'enverrais l'ensemble pour "Histoir de jouer" dès que ce sera terminé. Il faut que je finalise la traduction, que je fasse une relecture et que je termine l'article sur la dernière bataille.